[ Pobierz całość w formacie PDF ]

produire un déplacement considérable des mers par suite de
l aplatissement de la Terre aux anciens Pôles. La Terre était-elle
donc menacée de bouleversements pareils à ceux que l on croit
avoir récemment constatés à la surface de la planète Mars ? Là,
des continents entiers, entre autres la Libye de Schiaparelli, ont
été submergés, ce qu indique la teinte bleu foncé, substituée à la
teinte rougeâtre. Là, le lac MSris a disparu. Là, six cent mille
kilomètres carrés ont été modifiés au nord, tandis qu au sud, les
océans ont abandonné les larges régions qu ils occupaient autre-
fois. Et, si quelques âmes charitables s étaient inquiétées des
« inondés de Mars » et avaient proposé d ouvrir des souscrip-
tions en leur faveur, que serait-ce lorsqu il faudrait s inquiéter
des inondés de la Terre ?
Les protestations commencèrent donc à se faire entendre
de toutes parts, et le gouvernement des États-Unis fut mis en
demeure d aviser. À tout prendre, mieux valait ne point tenter
l expérience que de s exposer aux catastrophes qu elle réservait
à coup sûr. Le Créateur avait bien fait les choses. Nulle nécessité
de porter une main téméraire sur son Suvre.
Eh bien, le croirait-on ? Il se trouvait des esprits assez lé-
gers pour plaisanter de choses si graves !
 112 
« Voyez-vous ces Yankees ! répétaient-ils. Embrocher la
Terre sur un autre axe ! Si encore, à force de tourner sur celui-
ci depuis des millions de siècles, elle l avait usé au frottement de
ses tourillons, peut-être eût-il été opportun de le changer
comme on change l essieu d une poulie ou d une roue ! Mais
n est-il donc pas en aussi bon état qu aux premiers jours de la
création ? »
À cela que répondre ?
Et, au milieu de toutes ces récriminations, Alcide Pierdeux
cherchait à deviner quels seraient la nature et la direction du
choc imaginé par J.-T. Maston, ainsi que le point précis du
globe où il se produirait. Une fois maître de ce secret, il saurait
bien reconnaître quelles seraient les parties menacées du sphé-
roïde terrestre.
Il a été mentionné ci-dessus que les terreurs de l ancien
Continent ne pouvaient être partagées par le nouveau du moins,
dans cette portion comprise sous le nom d Amérique septen-
trionale, qui appartient plus spécialement à la Confédération
américaine. En effet, était-il admissible que le président Barbi-
cane, le capitaine Nicholl et J.-T. Maston, en leur qualité
d Américains, n eussent point songé à préserver les États-Unis
des émersions ou immersions que devait produire le change-
ment de l axe en divers points de l Europe, de l Asie, de l Afrique
et de l Océanie ? On est Yankee ou on ne l est pas, et ils l étaient
tous trois, et à un rare degré des Yankees « coulés d un bloc »
comme on avait dit de Barbicane, quand il avait développé son
projet de voyage à la Lune.
Évidemment, la partie du nouveau Continent, entre les ter-
res arctiques et le golfe du Mexique, ne devait rien avoir à re-
douter du choc en perspective. Il est probable même que
l Amérique profiterait d un considérable accroissement de terri-
 113 
toire. En effet, sur les bassins abandonnés par les deux océans
qui la baignent actuellement, qui sait si elle ne trouverait pas à
s annexer autant de nouvelles provinces que son pavillon dé-
ployait déjà d étoiles sous les plis de son étamine ?
« Oui, sans doute ! Mais, répétaient les esprits timorés ceux
qui ne voient jamais que le côté périlleux des choses est-on ja-
mais sûr de rien ici-bas ? Et si J.-T. Maston s était trompé dans
ses calculs ? Et si le président Barbicane commettait une erreur,
quand il les mettrait en pratique ? Cela peut arriver aux plus
habiles artilleurs ! Ils n envoient pas toujours le boulet dans la
cible ni la bombe dans le tonneau ! »
On le conçoit, ces inquiétudes étaient soigneusement en-
tretenues par les délégués des Puissances européennes. Le se-
crétaire Dean Toodrink publia nombre d articles en ce sens et
des plus violents dans le Standard, Jan Harald dans le journal
suédois Aftenbladet, et le colonel Boris Karkof dans le journal
russe très répandu le Novoié-Vrémia. En Amérique même, les
opinions se divisèrent. Si les républicains, qui sont libéraux,
restèrent partisans du président Barbicane, les démocrates, qui
sont conservateurs, se déclarèrent contre lui. Une partie de la
presse américaine, principalement le Journal de Boston, la Tri-
bune de New-York, etc., firent chorus avec la presse euro-
péenne. Or, aux États-Unis, depuis l organisation de
l Associated Press et l United Press, le journal est devenu un
agent formidable d informations, puisque le prix des nouvelles
locales ou étrangères dépasse annuellement et de beaucoup le
chiffre de vingt millions de dollars.
En vain d autres feuilles non des moins répandues voulu-
rent-elles riposter en faveur de la North Polar Practical Asso-
ciation ! En vain Mrs Evangélina Scorbitt paya-t-elle à dix dol-
lars la ligne des articles de fond, des articles de fantaisie, de spi-
rituelles boutades, où il était fait justice de ces périls que l on
traitait de chimériques ! En vain cette ardente veuve chercha-t-
 114 
elle à démonter que, si jamais hypothèse était injustifiable,
c était bien que J.-T. Maston eût pu commettre une erreur de
calcul ! Finalement, l Amérique, prise de peur, inclina peu à peu
à se mettre presque tout entière à l unisson de l Europe.
Du reste, ni le président Barbicane, ni le secrétaire du Gun-
Club, ni même les membres du Conseil d administration, ne
prenaient la peine de répondre. Ils laissaient dire et n avaient
rien changé à leurs habitudes. Il ne semblait même pas qu ils
fussent absorbés par les immenses préparatifs que devait néces-
siter une telle opération. Se préoccupaient-ils seulement du re-
virement de l opinion publique, de la désapprobation générale
qui s accentuait maintenant contre un projet accueilli tout
d abord avec tant d enthousiasme ? Il n y paraissait guère.
Bientôt, malgré le dévouement de Mrs Evangélina Scorbitt,
quelles que fussent les sommes qu elle consacra à leur défense,
le président Barbicane, le capitaine Nicholl et J.-T. Maston pas-
sèrent à l état d êtres dangereux pour la sécurité des deux Mon-
des. Officiellement, le gouvernement fédéral fut sommé par les
Puissances européennes d intervenir dans l affaire et
d interroger ses promoteurs. Ceux-ci devaient faire connaître
ouvertement leurs moyens d action, déclarer par quel procédé
ils comptaient substituer un nouvel axe à l ancien ce qui per-
mettrait de déduire quelles en devaient être les conséquences au
point de vue de la sécurité générale de désigner enfin quelles
seraient les parties du globe qui seraient directement menacées,
en un mot, apprendre tout ce que l inquiétude publique ne sa-
vait pas, et tout ce que la prudence voulait savoir.
Le gouvernement de Washington n eut point à se faire
prier. L émotion, qui avait gagné les États du nord, du centre et
du sud de la République, ne lui permettait pas une hésitation.
Une Commission d enquête, composée de mécaniciens,
d ingénieurs, de mathématiciens, d hydrographes et de géogra-
phes, au nombre de cinquante, présidée par le célèbre John H.
 115 
Prestice, fut instituée par décret en date du 19 février, avec plein
pouvoir pour se faire rendre compte de l opération et au besoin
pour l interdire.
Tout d abord, le président Barbicane reçut avis de compa-
raître devant cette Commission.
Le président Barbicane ne vint pas.
Des agents allèrent le chercher dans son habitation parti-
culière, 95, Cleveland-street, à Baltimore.
Le président Barbicane n y était plus.
Où était-il ?&
On l ignorait.
Quand était-il parti ?&
Depuis cinq semaines, depuis le 11 janvier, il avait quitté la
grande cité du Maryland et le Maryland lui-même en compagnie
du capitaine Nicholl.
Où étaient-ils allés tous les deux ?&
Personne ne put le dire.
Évidemment, les deux membres du Gun-Club faisaient
route pour cette région mystérieuse, où les préparatifs commen-
ceraient sous leur direction. [ Pobierz całość w formacie PDF ]

  • zanotowane.pl
  • doc.pisz.pl
  • pdf.pisz.pl
  • szopcia.htw.pl